L’amiante provoque des cancers
- le mésothéliome de la plèvre (enveloppe du poumon), du péritoine ou du péricarde ; c’est une maladie spécifique de l’amiante, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’autre cause connue à ces cancers.
- le cancer broncho-pulmonaire ; l’amiante n’est pas le seul cancérogène du poumon. Il y a d’autres cancérogènes du poumon (tels le tabac ou le radon) ; dans le cas d’une exposition au tabac et à l’amiante, il y a une synergie des risques.
- d’autres cancers peuvent être favorisés par une exposition à l’amiante, notamment les cancers des organes des voies aérodigestives et le cancer des ovaires.
Le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC, en anglais IARC) classe l'amiante
L’amiante est un cancérogène sans seuil, c’est-à-dire qu’on ne connaît pas de niveau d’exposition, aussi petit soit-il pour lequel le risque serait nul.
L’amiante provoque également des maladies bénignes
- Les plaques pleurales sont des atteintes bénignes de la plèvre ; c’est une maladie spécifique de l’amiante.
- Les épaississements pleuraux
- L’asbestose est la seule maladie provoquée par l’amiante pour laquelle on observe la pathologie seulement à partir d’un certain niveau d’exposition.
- la pleurésie.
Note : l'adjectif «bénin» signifie dans ce contexte médical «non cancéreux» et ne se réfère pas à la gravité de la maladie. Par exemple l'asbestose, sous sa forme la plus sévère, peut entraîner le décès.
Le lien entre cancer et asbestose
On connaît depuis longtemps le lien entre cancer et asbestose. Chez une personne atteinte d'asbestose, le risque de développer un cancer du poumon est supérieur, à exposition égale. L'apparition de cancer du poumon chez les ouvriers exposés aux poussières d'amiante a d'abord été observée en liaison avec l'asbestose ; il est toutefois établi que l'exposition à l'amiante peut causer un cancer du poumon sans induire au préalable une asbestose.
Le lien entre cancer et plaques pleurales
Il a été démontré en 2013 qu’à exposition égale, une personne qui est atteinte de plaques pleurales, a plus de risque de développer un cancer broncho-pulmonaire ou un mésothéliome, qu’une personne qui n’a pas de plaques pleurales1.
Une des caractéristiques des maladies liées à une exposition à l'amiante est leur très long temps de latence : les symptômes de la maladie apparaissent en moyenne des dizaines d'années après l'exposition. C'est la principale raison pour laquelle ces maladies et leurs liens avec l'amiante ont été identifiés à travers des études épidémiologiques.
L'asbestose a été d'abord observée dans des populations d'ouvriers d'usines d'amiante au début du XXème siècle avec une prévalence effarante. L'inspecteur du travail Auribault, ayant visité une «usine de filature et de tissage d’amiante […] dans le voisinage de Condé-sur-Noireau (Calvados)» explique ainsi dans un article paru en 1906:
« une cinquantaine d’ouvriers et d’ouvrières moururent dans l’intervalle précité [de 1890 à 1895] ; le directeur, précédemment propriétaire d’une filature de coton à Gonneville (Manche) avait recruté 17 ouvriers parmi son ancien personnel ; 16 d’entre eux furent enlevés par la chalicose de 1890 à 1895». [le terme chalicose sera remplacé plus tard par «asbestose»]
Le fait que l'amiante soit à l'origine de cancer du poumon a été constaté dès la première moitié du XXème siècle, de nombreuses études de cas étant publiées dans la littérature médicale. Le cancer du poumon, associé à l'exposition à l'amiante, a été reconnu comme maladie professionnelle en Allemagne dès les années 40 ! Cependant la première étude épidémiologique suffisamment ample pour balayer toute critique est publiée en 1955. L'article de Richard Doll recense un rapport de 10 cancers du poumon observés chez une cohorte d'ouvriers d'une usine textile d'amiante pour 1 cas attendu dans une population générale – réputée non exposée à l'amiante2.
D'innombrables études ont depuis corroboré ces résultats et confirmé le lien entre tous les types d'amiante et le cancer du poumon.
Le fait que l'amiante soit à l'origine de mésothéliome de la plèvre a été soupçonné au milieu du XXème siècle, mais la confirmation est apparue de manière spectaculaire dans une étude de J.C. Wagner publiée en 19603. Cette étude sur une trentaine de cas de mésothéliome a de plus mis en évidence le risque environnemental : certaines des victimes étaient des mineurs d'amiante, mais une grande partie d’entre elles avaient été simplement exposées au voisinage d'une mine d'amiante.
Les connaissances se sont ensuite accumulées, sans jamais remettre en cause ces études pionnières. On peut mentionner les travaux de Selikoff dans les années 60 qui sont résumés dans son livre Asbestos and Disease4. Selikoff, en sus de confirmer la prévalence des cancers du poumon et des mésothéliomes, a également mis en évidence des excès de cancers des voies aérodigestives parmi les populations exposées à l'amiante.
L'épidémiologie apporte une réponse scientifique irréfutable aux questions :
- l'exposition à l'amiante est-elle à l'origine de cancers du poumon et de la plèvre ?
- l'exposition à l'amiante est-elle à l'origine de fibroses, qu'il est convenu d'appeler asbestose ?
- l'exposition à l'amiante est-elle à l'origine de pathologies bénignes comme les plaques pleurales, les épaississements pleuraux, les pleurésies ?
La réponse à ces questions est : oui.
En effet on observe dans toutes les études épidémiologiques une différence plus ou moins importante mais toujours significative entre le nombre de pathologies ou de décès observés sur la population étudiée – exposée à l'amiante – et le nombre de pathologies ou de décès observés sur une population d'âge et condition similaire – non exposée à l'amiante.
Dans le cas du mésothéliome (plèvre, péritoine ou plus rarement du péricarde), la différence est plus que frappante : on n’observe essentiellement aucun mésothéliome chez les personnes non exposées à l'amiante. Les observations sont similaires pour les plaques pleurales.
On considère donc à juste titre qu'un mésothéliome est causé par l'exposition à l'amiante. En France, ce fait scientifique est traduit dans la loi régissant le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante: celui-ci indemnise les personnes atteintes de mésothéliome sans qu'elles aient à prouver leur exposition à l'amiante5.
Dans le cas du cancer du poumon la situation est différente puisqu'il existe quantité d'autres produits associés à ce cancer6, le plus important (en nombre) étant le tabac. Ainsi l'épidémiologie renseigne de façon certaine sur le fait que l'amiante cause beaucoup de cancers du poumon ; cependant l'épidémiologie ne dit rien sur un cas individuel de cancer du poumon si l'on observe uniquement le contexte clinique, hors considération d'exposition. En effet la maladie – cancer du poumon – causée par l'amiante n'est pas différente de celle causée par l'exposition à d'autres polluants (tabac, radon, etc.).
Dans le cas de l'asbestose, la présence seule d'une fibrose ne permet pas de la diagnostiquer : c'est le contexte d'exposition à l'amiante qui permet de poser le diagnostic. Contrairement aux cancers, l'asbestose est une maladie liée à la dose et l'intensité de l'exposition.
- Effets sur la santé des principaux types d’exposition à l’amiante, Expertise collective INSERM, 1997, 434 p. téléchargeable à l’adresse http://www.ipubli.inserm.fr/handle/10608/20
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1. - Pleural Plaques and the Risk of Pleural Mesothelioma, Jean-Claude Pairon et alii, Journal of National Cancer Institute, January 25, 2013
- Asbestos Exposure, Pleural Plaques, and the Risk of Death from Lung Cancer, J-C. Pairon, P. Andujar, M. Rinaldo, et al., American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine, Volume 190, Number 12, 2014
2. Mortality from lung cancer in asbestos workers, R. Doll, Brit. J. Industr. Med., 1955, 12,81
3. Diffuse Pleural Mesothelioma and Asbestos Exposure in the North Western Cape, J. C. Wagner, C. A. Sleggs, Paul Marchand, Br J Ind Med. 1960 Oct; 17(4): 260–271. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1038078/
4. I. Selikoff, D. H. K. Lee, 1978, Academic Press
5. L'arrêté du 5 mai 2002 qui «fixe la liste des maladies dont le constat vaut justification de l'exposition à l'amiante pour le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante» liste le mésothéliome et les plaques pleurales.
6. Le CIRC recense comme cancérogène pour l'homme lié au cancer du poumon l'exposition aux rayons X et gamma, au radon, à des gaz d'échappement des moteurs Diesel, à la silice cristalline, au cadmium, au chrome hexavalent, aux composés du nickel, arsenic, béryllium et benzo(a)pyrène.
19/01/2019